Les formes de l’invisible
L’invisibilité, un super-pouvoir ?
Qui n’a jamais souhaité disparaître un instant pour fuir une situation gênante ? Face aux regards extérieurs et à la peur du jugement des autres, le pouvoir de se rendre invisible est comme une échappatoire fantasmée. Dans le film Les indestructibles (2004), il devient même l’extension symbolique de la timidité et de la difficulté à s’accepter, à travers le personnage de Violette Parr, adolescente mal dans sa peau qui apprend à maîtriser ce don si particulier.
Agir sans être vu, c’est potentiellement agir en toute impunité. Si vous pouviez vous rendre invisible, iriez-vous sauver la veuve et l’orphelin… ou espionner vos voisins ? Si le jeune Harry Potter de J. K. Rowling (1997) revêt sa cape magique pour lutter contre le mal, il ne rechigne pas à s’en servir pour enfreindre le règlement de son école. Comme tout grand pouvoir, l’invisibilité peut conférer un sentiment de toute-puissance. De l’usage personnel à l’usage criminel, il n’y a qu’un pas, ainsi, L’Homme Invisible d’H. G. Wells (1897) s’engage dans une voie destructrice et mégalomaniaque.
Quand Harry Potter se sert de sa cape d'invisibilité pour enfreindre le règlement de l'école...
On retrouve, dans les albums pour enfants, ce thème de l’invisibilité assortie de son bénéfice immédiat : l’impunité. Émile, jeune garçon dont les aventures quotidiennes sont relatées dans la série éponyme de Vincent Cuvelier, est tellement borné qu’il parvient à se convaincre lui-même qu’il est doté du super-pouvoir. Puisque sa mère a cuisiné des endives, c’est décidé : à partir de midi, il sera invisible ! Il y croit en tout cas… Son obstination le pousse à se dévêtir, car bien sûr, ce sont ses vêtements qui le trahissent ! Si le ridicule ne tue pas, il ne rend pas non plus invisible…
Lorsqu'Émile croit être invisible - Vincent Cuvelier et Ronan Badel
Dans Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde, c’est la vanité humaine qui se dérobe au regard. Dorian Gray, dandy au charme ravageur, se vautre dans les turpitudes les plus inavouables tandis que son visage garde la fraîcheur et l’angélisme de l’éternelle jeunesse. Les années passent et les stigmates de l’âge demeurent invisibles car Dorian Gray a fait un jour le souhait que son portrait vieillisse à sa place… Seul le tableau, qu’il garde jalousement secret, se creuse et se déforme, révélant le monstre qui est en lui : laid à faire peur.