Raymond Gosselin et les courants artistiques de son temps : de Bernard Buffet à Jean Dubuffet (1952-1977)

Ces deux artistes, dont les noms accolés grincent, fournissent les bornes d’un récit qui, au-delà de la personne du peintre et sculpteur Raymond Gosselin (1924-2017), illustre l’évolution de la vie culturelle au Havre des années 1950 aux années 1970.
Mécano à Cherbourg après la guerre, Raymond Gosselin y suit les cours de l’école des Beaux-Arts, alors que domine une peinture misérabiliste, dont le trait anguleux de Bernard Buffet est resté comme l’emblème. Arrivé au Havre en 1956, il participe à la création de l’Union havraise des arts plastiques (UHAP), suscitée par la municipalité communiste, qu’il préside de 1961 à 1963. Son style est bouleversé par sa rencontre en 1960 avec Reynold Arnould, peintre et directeur des musées. Sa peinture dynamique à la limite de l’abstraction suscite l’opposition de ses collègues de l’UHAP, restés fidèles au figurativisme.
Jean Dubuffet incarne un second moment de l’œuvre de Raymond Gosselin qui s’est, dans les années 1970, tourné, vers le travail de l’aluminium, qu’il forme et colore par anodisation. Alors que le Parti communiste a adopté la modernité artistique, il redevient, en 1975, président de l’UHAP. Le projet s’y fait jour de faire revenir au Havre Jean Dubuffet, fâché avec sa ville natale. Raymond Gosselin, qui a réalisé l’affiche, accueille Jean Dubuffet avec l’équipe municipale et la direction du musée en 1977.
Raymond Gosselin a, à la suite de cette exposition, entretenu une correspondance avec Jean Dubuffet qui a été récemment déposée par Geneviève Gosselin à la bibliothèque Armand Salacrou. Le vieil artiste ennemi des conventions y témoigne de sa sympathie pour l’art imaginatif de son jeune confrère.
De Bernard Buffet à Jean Dubuffet, c’est, en l’espace d’un quart de siècle, une mutation qui s’accomplit dans la recherche plastique d’un artiste, mais aussi dans la vie culturelle du Havre. Le parcours de Raymond Gosselin éclaire ainsi l’histoire méconnue du retour enchanté de Jean Dubuffet au Havre en 1977.
Professeure des universités, sociologue des mondes industriels et artistiques, Gwenaële Rot met au cœur de ses travaux l’analyse du travail.
Depuis quelques années elle développe parallèlement un important programme de recherche consacré à la sociologie du travail artistique et à l’histoire de l’art.
Avec François Vatin, professeur de sociologie à l'Université Paris-Nanterre et chercheur au laboratoire IDHE.S, elle a engagé une recherche sociohistorique au long cours sur les liens entre art et industrie, art et politique et art dans la cité. Ses recherches sont aussi des recherches-actions qui visent à sensibiliser acteurs publics et privés sur les enjeux de sauvegarde du patrimoine industriel et artistique du XXe siècle.